Lost Conversation

Lors d'une de mes éternelles marches dans le coeur
de la bête, j'ai, un jour, croisé un étranger qui ne m'était pas complètement inconnu.

- Bonjour, me dit-il!


Je ne lui répondis pas.
Il me ressemblait étrangement en certains points,  mais ça ne se limitait qu'à l'apparence
physique. L'homme portait un court manteau tout droit sorti d'une boutique pour hommes
d'affaires en vacances et qui semblait lui faire comme un gant, malgré la taille que j'estimais
aux alentours de "très petit". L'étranger répondit à mon observation par un sourire impulsif.
Son sourire, similaire au mien, ne démontrait pas une grande différence par rapport à sa forme
de visage naturelle. Il portait, lui aussi, des lunettes. Leur modèle était tel que l'on retrouvait
chez les jeunes hommes habitant la métropole. Jamais l'idée de porter des lunettes aussi
visibles aux yeux des autres m'aurait effleurée l'esprit. Il dégageait une fausse confiance
en lui-même qui lui permettait, manifestement, de porter de telles lunettes et un tel manteau.
Le reste de son accoutrement était à l'image de son revêtement d'hiver : à même la peau.
Le mien, en comparaison, projetait l'image blasée d'un adolescent sans besoin d'appartenance.
Je portais fièrement, ce jour-là, un chandail trop ample d'un de mes groupes préférés
depuis plusieurs années. Ce détail semblait l'amuser au plus haut point, malgré qu'il n'en
montra aucune preuve de toute la durée de l'entretien. Mon interlocuteur se prononça à
nouveau, manifestement énervé par ma posture :


- Pourquoi te croises-tu les bras de la sorte?

- Parce que je suis gêné, lui répondis-je.

Il prit, sans le réaliser, une posture similaire, mais moins prononcée. Il ne fit que se
tenir le bras droit du gauche fortement, le dos légèrement voûté. Cela me mis en confiance.


- Pourquoi es-tu venu me parler, lui demandais-je?

- Parce que tu m'amuses. Tu es moi.


Sa réponse vint faire trembler mes fondations. Ce jeune homme à la frange bien droite, 
aux goûts vestimentaires communs à une culture en minorité et à l'assurance étrange ne pouvait
être mon double.


- Si tu ne me crois pas, je peux te le prouver.

- Vas-y, je t'écoute.

- Tu es présentement en quatrième années du secondaire. Tu aimes une fille pour la
première fois, mais tu ne sais pas encore pourquoi. Tu passes ton temps à faire, en
alternance, de l'art digital et à jouer à des  jeux vidéos massivement multijoueurs en ligne.
Ton objectif d'avenir est certain depuis l'an dernier : tu veux gagner ta vie dans le domaine
des jeux vidéos. Sans le savoir, l'année suivante, tu commencera progressivement à dénigrer
cet objectif et ta propre nature, soit ton addiction aux jeux en ligne, pour viser les films
d'animation. Cet objectif, qui ne pourra être accompli qu'en complètant une technique dans
le domaine à Montréal, te sera refusée, probablement par le destin. Tu procèderas ensuite
à une série de décision menant à ton auto-destruction, qui elle, te mènera aussi à Montréal.
Ton nouvel univers te déroutera jusqu'à la mort de l'âme. Il te montrera la vie sous un angle
que tu n'aurais jamais pu imaginer jusqu'ici, et dont la plupart de ton entourage ignorera
encore et toujours l'existence. Lors de ton premier essai à commencer tes études sans
savoir en quoi te ré-orienter, tu te feras des amis avec chacun un secret. Ces secrets te
seront révélés deux ans après, lorsque tu enménagera dans la ville de Sherbrooke dont
tu ne connais présentement rien de l'existence. Tu y mèneras une vie de couple en
appartement et nourrira ton désir nouvellement créé de poursuivre une carrière dans
le domaine de la psychologie. Je le sais, parce que je suis ce toi. J'ai déja été à ta place.
Je sais que tu te trouves présentement au centre-ville dans le but de t'abonner à la
bibliothèque municipale. Tu procèderas ensuite vers un café pour assouvir ton nouveau
vice, qui te pourchassera pour les quelques années suivantes. Je suis ici pour t'avertir
d'une seule chose : Tes choix ne sont d'aucune importance. Ta vie est tracée comme
une série d'échecs destinée à te mener vers moi. Tu seras moi, que tu l'acceptes ou non.


L'inconnu releva alors une des longues manches de son manteau, un sourire fier lui
fendant le visage. Son avant-bras était marqué d'un tatouage très simple : le nombre 33.



- Meshuggah, dit-il.

- Je n'aime pas ce genre de musique, lui répondis-je.

- Tu devras t'y faire. Tu t'enfoncera dans la musique comme des sables mouvants. Tu obséderas
sur la culture et les conceptions du rock progressif, puis du Jazz, et ensuite de la musique électronique.

- Je n'aime pas le Jazz.

- Tu verras.

- Tu dis n'importe quoi, je sais mieux que toi ce que j'aime ou je n'aime pas.

- Tu aimeras les champignons. Tu savoureras la bière de microbrasserie et les
fromages les plus fins de la métropole. Je le sais, parce que tu es moi.

- Je ne bois même pas! 

- Tu verras.

- La musique électronique n'est pas de la musique.

- Tu en feras pourtant un mode de vie et te consacrera à en composer, suite à de multiples
échecs à devenir le joueur de basse que tu as toujours voulu. Tu trouveras pourtant ton idéal
musical dans la ville de Montréal, mais tes intérêts auront changés depuis. Ta vie aura changée
de route radicalement.

- Comment peux-tu en être aussi certain?

- Parce que tu es moi. Je ne suis pas toi, par contre. Tu n'es qu'un version de moi en cours
de création. Je me suis, depuis longtemps, séparé en une toute autre entité. Encore une fois, 
tu verras...


Puis l'étranger s'est éloigné tranquillement dans le calme plat du centre-ville de Trois-Rivières en
cette nuit du lundi. J'ai, depuis, perdu mémoire de cet entretien.

The Hanging Garden

Il y a un certain temps que je n'ai pas extériorisé sur ce blog...
Çà doit s'expliquer par l'absence d'une connection internet à la maison.
Sans trop savoir dans quoi je m'embarquais avec Fanny, nous avons déménagés à
Sherbrooke, ville des étudiants et des itinérants insistants.
Mettant ma haine pour les plus petites villes de coté, j'y ai découvert une faune
et une flore locale immensément plus diversifiée qu'à Trois-Rivières, la bête de mes cauchemars.
Le Cégep recommençant la semaine prochaine et toujours aucun travail trouvé, j'ai commencé
à développer une grande nervosité.
L'acte de me ronger les ongles est maintenant une obligation obsessive
et auto-destructrice. Je ressens pourtant un grand confort dans l'appartement.
Je m'y sens plus "à la maison" en une soirée que je me suis senti de cette façon à Montréal
durant l'entièrité de mon séjour qui a duré environ un an.

Les problèmes mis de coté, on peut dire que cette nouvelle vie est bénéfique.
Je dois, cependant, tenter d'oublier tout ce que j'ai mis de côté, autant à Trois-Rivières qu'à Montréal.
C'est un retour à la case départ complet, pour la 3e fois.
Cette fois-ci est la bonne. Le contact complètement coupé avec le monde extérieur, j'ai cependant
retrouvé des amis qui jouaient un rôle très important dans ma première vie, ou "premier essai".
Leur rôle maintenant très différent me permet de m'adapter plus facilement à cette nouvelle vie.
La présence de Fanny y joue également un grand rôle. Notre vie commune, aussi complexe soit-elle,
est la meilleure chose qui me soit arrivée depuis ma découverte de l'animation 3D ou de la musique,
deux obsessions jamais accomplies.

Je travailles présentement sur un album complet sous le nom de Undoing. Il sera sans compromis,
c'est-à-dire de peu d'intérêt pour quelqu'un qui ne me connaît pas. C'est pourtant la seule façon
que je trouve d'extérioriser mes idées musicales... pour l'instant.